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me faites, tandis que l’amour que j’ai pour vous est une faveur que je vous accorde, mais que je ne vous dois pas. Vous ne pouvez donc me rendre, à Moi, l’amour que je vous réclame. Mais je vous ai placés à côté de votre prochain, pour vous permettre de faire pour lui ce que vous ne pouvez faire pour moi : l’aimer par grâce, et avec désintéressement, sans en attendre aucun avantage. Je considère alors comme fait à moi ce que vous faites au prochain.

N’est-ce pas ce que montre ma Vérité quand elle dit à Paul qui me persécutait : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? (Ac 9, 4) — Il parlait ainsi, parce qu’il estimait que c’était me persécuter que de persécuter que de persécuter mes fidèles.

Ainsi donc cet amour doit être pur, et c’est avec ce même amour dont vous m’aimez, que vous devez aimer votre prochain. Et tu sais à quoi reconnaître que l’amour est imparfait ? Celui-là n’aime pas parfaitement, qui, même en aimant d’un amour spirituel éprouve de la peine et s’afflige, quand la créature qu’il aime ne paraît pas répondre à son amour, ou ne semble pas l’aimer autant qu’il croit aimer lui-même ; ou encore, quand il se voit séparé de son intimité et de la consolation qu’il en attendait, ou qu’il sent qu’elle en aime une autre plus que lui. A ces signes et à d’autres encore, l’on peut conclure que l’amour qu’il a pour moi et pour le prochain est encore imparfait. Cet amour il a bien pu le puiser en