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appendice

C
Épisode des Ardennes

Désespoir des Fils Aymon dans les Ardennes. Texte de B, revu sur C qui est ici moins prolixe. C’est le développement du vers 3269 : Forment lor anuia li yvers qui lons fu (Michelant, p. 87, 21).

Renaus se dementa, ains si dolans ne fu.
Chil sires li ayut c’on apele Jhesus.
En Ardane est Renaus à la chiere membrée,
Ses frerez regarda, mainte larme a plourée,
5Voit la robe à chascun desroute et deschirée.
Et voit cascun qui ot la teste hurepée,
La chiere noire et palle, pellue, descoulourée.
Toute chelle semaine avoient jeünée
Que onques n’i mengierent cascun jor ajornée,
10Se rachinez ne furent ou fa[ri]ne mondée.
Et quant Renaus voit chou, grant famine l’abée,
De la pité qu’il ot, a la coulor muée.
L’iaue du cuer li est amont as yex montée,
Si que parmi sa fache li est aval coulée.
15Teurement a plouré ichele matinée
Et voit son petit frere, Richart, brache quarrée,
Qui de fain ot la bouche tout environ enflée.
Les bras li court au col à molt grant alenée ;
Lors a geté .i. brait et itele criée
20Que tout en retentist li puis et le valée.
« Ahi, frere, fait il, com male destinée
Nous est par nos pechiez otroïe et donnée !
Ains mais si haute gent ne fu si esgarée,
Ne si riche de terre ne si emparentée.
25Las ! ja sui je Renaus à la barbe quarrée,
Qui soloit demener en Franche tel ponée,
Qu’as frans hommez donnoit tante riche soudée.
Qui [donoit et .c. mars et tante .c.] livrée ?
Malement a fortune cheste roe tournée.[1]

  1. 29 Dans un manuscrit de l’Estrif de Fortune, l’on a la miniature suivante : Fortune, debout derrière sa roue, la main pesant sur un des rayons, et quatre petits personnages : l’un au haut de la roue, un autre en bas, étendu sur le sol ; des deux autres appliqués sur le cercle, l’un monte, l’autre descend. De leur bouche sortent les légendes : regno, regnavi, regnabo.