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les quatre fils aymon

So sollen sie nemen uns mertel dar
Damit sollen sic ine entlyben vorwar[1].

L’on a là une trace d’une forme ancienne de la légende où Renaud mourait dans les mêmes conditions que Gondovald. Ce coup de pierre, conclusion si inattendue d’une entreprise ambitieuse, put exciter l’imagination d’un peuple qui ne concevait d’autre mort violente pour un chef de guerriers que la mort par l’épée.

Des manuscrits français, le seul qui donne cette version est le ms. C. (Bibl. Nat. f. fr. 766). Je la reproduis ici à partir de l’endroit où le bon chevalier est accepté comme ouvrier par le maître-maçon qui construit l’église de Saint-Pierre à Cologne, jusqu’au moment où les maçons jaloux ont jeté son corps dans le Rhin.

Manuscrit 766, feuillet 171, recto, col. B :

Sire, je sui de France, dist Renaus l’alosé ;
Par une meschéance sui aisi atorné.
S’ai esté en prison .IIII. anz a toz passé,
Mes Diex m’en a osté par sa grant poesté,
5.Et puisqu’il est ainsi que je suis eschapé,
Vos servirai de cuer, se il est vostre gré,
La pierre et le mortier volentiers porteré.
Par foi, ce dist li mestres, or avez bien parlé,
Et je vos retenré de bonne volenté.
10.Selon vostre servise sera guerredoné.
Por ce que je vos voi grant et fort et quarré,
Portez le grand baiart, la serois adoné.
Volontiers, dist Renaus par grant humilité.
Renaus fu retenus a l’uevre du mostier
15.Por porter la grant pierre, la chax et le mortier ;
Por ce que il estoit si grant et si plenier,
F°171,verso APortoit contre .IIII. homes la chax et le mortier.
Quant li mestres le voit, si se prist a seignier,
C’onques mes en sa vie ne vit si e ovrier.

  1. Ce contre-sens prouve du moins que le remanieur connaissait les deux formes du récit.