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les quatre fils aymon

semble se confondre ici avec cette Dordogne sur laquelle apparaît d’abord l’armée du roi Gonthramn[1] ; et de ceci l’on pourra donner une explication spécieuse, dire que le trouvère savait mal sa géographie, qu’il a confondu Fronsac et Montauban. Mais il a le soin de décrire le site du château que Renaud va construire ; c’est « une montaigne haute » ; Charles ne pourrait, si elle était fortifiée, s’en emparer « en trestot son aé ». Dans le cours du poème, nous apprenons que du haut de cette montagne on peut descendre sans être vu, grâce à un souterrain qui mène au bois de la Serpente : c’est la bove par où les Fils Aymon s’évadèrent un jour de la place. Ces traits essentiels sont exactement applicables au Convenæ de Grégoire de Tours. Mais reprenons le texte du poème. Quand le château a été construit, le roi de Gascogne demande en riant à Renaud quel nom il lui donne : « Com a non cis castiaux, ne me celes noiant ? » Tous les mots qui suivent, méritent d’être pesés :

Sire, ce dist Renaus, encor ne sai comment.
Jo ving ici aubaines jo et tote ma gent ;
Or li metrois le non tot a vostre talent »,
« Certes, ce dist li rois, molt par a ci liu gent.
Montalban aura non ki sor la roce pent ».
Il le firent savoir au pu[p]le et a la gent
Que au noviel castel prengent herbergement ;
Ses cens et ses costumes li paient bonnement ;
Entresci a .VII. ans ne prendera noiant.
.V.C. borgois i vi[n]rent de grant [a]aisement
Et puplent le castiel maitre communaument[2].

Montauban est écrit, suivant les manuscrits, Montalban, Montalbain, Montaubain, Montauban. Montauben, et parfois

  1. À la page 139, v. 22, l’on a : « Montalban sor l’eve de Dordone. »
  2. P. 111, v. 9 sq. M. Nyrop avait noté déjà que le nom dans le poème est interprété le Mont des Aubains (mont des étrangers). Il ajoute que c’est évidemment une étymologie populaire, que Montauban signifie ou la montagne blanche ou la montagne des saules. Et il renvoie à la Revue des L. Rom. 1881, p. 47-48. Par aube, nous entendons plutôt le peuplier blanc ou peuplier d’Italie. — V. Nyrop, Histoire de l’épopée française au Moyen Âge, trad. italienne d’E. Gorra, p. 172, note 1. Dans le Renout, le nom est expliqué parce que la montagne est de marbre.