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les quatre fils aymon

même, les faits eux-mêmes le prouveront. Lorsque Chlodovig eut été tué et enterré sous l’auvent d’un oratoire, la reine craignant qu’un jour il ne fût découvert et enseveli avec honneur, le fit jeter dans le lit de la Marne. Je le trouvai dans les filets que j’avais préparés pour le besoin de mon métier qui est de prendre du poisson. J’ignorais qui ce pouvait être, mais à la longueur des cheveux, je reconnus que c’était Chlodovig. Je le pris sur mes épaules et le portai au rivage, où je l’enterrai et lui fis un tombeau de gazon. Ses restes sont en sûreté, fais maintenant ce que tu voudras. »

Quand on ouvrit le monticule de gazon, on trouva le corps presque intact ; une partie de la chevelure, celle qui posait en dessous, s’était séparée de la tête, mais le reste, avec ses longues tresses pendantes, y demeurait encore attaché. Le roi fit au malheureux prince des funérailles magnifiques. Le corps fut déposé dans la basilique de Saint-Vincent, aujourd’hui Saint-Germain-des-Prés[1].

Dans l’imagination populaire, l’instrument du crime fut évidemment le frank Bob qui avait porté la main sur la personne du prince et dont la complicité dans la trahison était certaine. Quant au nom de Hludovic ou Chlodowig, on sait qu’il est devenu en français Looïs, puis Louis. Or nous avons constaté que le fils du roi est Looïs dans l’histoire des Fils Aymon. L’on a donc, avec autant de sûreté qu’on peut l’obtenir dans une recherche de cette sorte, les éléments essentiels de la légende : le nom de la victime, celui d’un des auteurs principaux du crime, et le fait de la trahison.

Qui ne se fût intéressé à la triste fin d’un jeune prince de cette race illustre de Mérovée pour laquelle les Franks professaient un culte ? Que de malheurs avaient frappé la famille royale ! Les trois fils de Chilpéric avaient successivement péri ; Théodebert était tombé sur le champ de bataille ; Merovig, pour échapper à la colère de son père et à la haine de Frédegonde, s’était fait poignarder par un de ses fidèles ; Chlodovig disparaissait à son tour, et le meurtre de leur oncle Sighebert était présent à tous les esprits. La nation des Franks dut se

  1. Récits des Temps mérovingiens, septième récit, p. 351-353. Gregor. Turon. VIII, 10.