Le païs vont ardant entor et environ ;[1]
Le bois de la Serpente traversent à bandon.
Li rois Ys de Gascoigne, il et si compaignon,
Erent en l’abeie venu par contençon.
Parlé ot à l’abé, pris ot le caperon ;
Mounes est devenus, à Deu maleïçon,
Car molt tost s’en fuï, ou il vosist ou non.
Estes vos Olivier et Rollant le baron ;
El moustier s’en entrerent et tuit si compaignon.
Li abes vint encontre et li prior selonc
Et trestos li convens cantent lor orison,
Et dient à Rollant : « Sire, que queres vos ? »
« Nos querons, dist Rollans, le malvais traïtor
Que vos aves çà ens, le roi Yon gascon.
Ancui li lacerai el col le caenon. »
« Sire, ce dist li abes, baisies vostre raison.
Li rois est nostre moines, s’a pris le caperon.[2]
Envers trestot le monde garandir le devons. »
Quant Rollans ot l’abé ki li dist tel raison,
Par le froc l’a saisi et par le caperon ;
Oliviers, le prior ki estoit par selonc ;
Il le bota et hurte si forment au peron
Que il li fist voler andeus les oels del front.
« Or tost, ce dist Rollans, tues moi ces glotons. »[3]
Qant li moune ont veï le grant destrution,
- ↑ 8419 L B M ardant. Michelant gardant.
- ↑ 8435 B manque.
- ↑ 8442 Ce passage paraîtra peut-être confirmer en partie l’opinion de Taine citée au commencement de l’introduction : « l’idée raisonnable de l’utile et du juste n’avait qu’une faible prise sur les hommes ; à chaque instant l’explosion des instincts farouches venait déchirer le tissu régulier dans lequel toute Société tend à s’enfermer. » Mais il y a des circonstances atténuantes : l’abbè a grand tort de donner asile au plus odieux des traîtres, de le déguiser en moine. L’indignation des chevaliers est justifiée, leur tort est d’agir avec une brutalité inutile. Renaud à son tour va traiter aussi brutalement sa femme et ses enfants ; mais ses frères qui en jugent plus froidement, n’hésitent pas à le corriger et il se conforme à leur conseil. Si violentes que soient les âmes « l’idée raisonnable de l’utile et du juste » y garde une prise suffisante.