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les quatre fils aymon

droit d’admettre que le nom de Lohier a été introduit à la longue dans une tradition qui l’ignorait et dont les traces subsistent dans le chant des Ardennes plus ancien en ceci que le Beuves[1].

L’entrée du roi dans les Ardennes et la défaite de ses troupes m’ont toujours paru un souvenir de l’échec final de l’expédition que Chilpéric et Ragenfred firent contre Charles Martel : ils furent surpris et battus près d’Amblève[2]. Vaincu par les Frisons, en mars 716, Charles s’était réfugié dans la forêt mystérieuse dont les défilés « où les fées conversent. »

    Quant nos entrepreïmes la mort de Looïs. P. 86, v. 38 sq. : Renaus a maudit l’eure qu’il vit le jor venu Que Looïs perdi le chief desor le bu. — P. 118, v. 37 : Il m’ocistrent mon fil, dont je ai grant damage. Dans la première citation, un trouvère a ajouté la mention de la mort de Bertolais pour essayer d’atténuer la contradiction que lui présentait le texte.

  1. Dans le Renout van Montalbaen, le fils du roi est dit Ludvig, c’est lui qui est tué par Renaud à propos d’une partie d’échecs jouée entre Alard et Ludvig. Renaud, fort irrité contre Ludvig qui lui avait reproché le mystère de sa naissance, intervient et tranche la tête au fils de Charlemagne qui venait de le couronner roi. Cette première partie du poème néerlandais me parait un mélange d’éléments anciens et d’inventions de l’auteur. Le Beuves d’Aigremont y fait défaut, et Beuves y est remplacé par un Hues de Dordone neveu d’Aimery de Narbonne et de Heyme le vaillant, le père des quatre fils. Charles au v. 94 décapite Hues de Dordone dans un moment de colère. G. Paris, rendant compte du livre de Matthes, note que dans la Magus-Saga, Guichard tue Charlemagne d’un coup de hache parce qu’il a jeté l’échiquier à la tête de Renaud (Romania, IV, p. 472, note, cf. p. 475). Mais la confusion de Charles et de Louis s’explique dans la Saga parce que Louis était dit roi dans les versions anciennes. Matthes avait relevé les passages cités plus haut. Il en concluait avec raison que le meurtre de Louis, fils de Charlemagne, est plus ancien que celui de Bertholais qui lui a été substitué dans les versions manuscrites françaises. C’était déjà se rapprocher du but. En fait, nos trouvères, une fois résolus à distinguer entre les Fils Aymon, objets de la colère du roi mais échappant à sa cruauté, et ce personnage de Louis dont ils dérivaient en partie, ont dû imaginer des combinaisons très diverses dont la plus simple, la plus conforme à leur conception de la vie féodale, a fini par prévaloir. Les contradictions que nous relevons dans cette partie du texte sont les témoins de leurs tâtonnements.
  2. V. Maugis d’Aigremont, p. 10. Sans abandonner complètement les vues présentées dans cette introduction au Maugis, je m’en écarte aujourd’hui en plusieurs points, comme on pourra en juger dans la suite. Pour les faits historiques je ne peux que renvoyer à l’excellent ouvrage de Breysig. Cf. Annales Mettenses, Pertz, I, p. 323.