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les quatre fils aymon

Le lecteur français possède actuellement le moyen d’apprécier la valeur de la rédaction néerlandaise. Avec G. Paris, je crois pas que les « brutalités énormes » dont elle est semée, autorisent à attribuer un caractère archaïque à l’ensemble qui paraît volontairement forcé, poussé au noir. Mais telle page a un mérite littéraire, entre autres le récit très particulier et très pathétique de la mort de Bayard[1].

En Allemagne, Iheronimus Rodler traduisit en 1535, (?) la version française en prose. M. A. Bachman l’a rééditée en 1896, dans la Bibliothèque de l’association littéraire de Stuttgard. Ce texte offre le curieux caractère également noté par M. Bachman dans son édition de Morgant der Riese, « Morgant le géant » (même collection, 1890), que le traducteur a soigneusement

  1. Bayard est conduit devant Charles qui lui fait attacher une meule au cou, et donne l’ordre de le jeter dans la rivière. Deux fois le cheval brise la pierre et réussit à sortir de l’eau. Renaud doit détourner la tête, car il semble que le cheval puise de nouvelles forces dans les regards de son maître. Il lève la tête encore une fois, l’incline du côté de Renaud qui s’est pâmé, puis il disparaît. Loke, op. l., p. 147. — Je relève encore au hasard quelques points où l’examen des textes français me paraît nécessaire. Pour Renaud domptant Bayard (Loke, p. 65), cf. Maugis d’Aigremont, v. 687, 1094 et texte de Michelant, p. 202, 9-19. — À propos du chemin souterrain par lequel, dans les textes français, les Fils Aymon sortent de Montauban, on déclare en note : « Impossible, car c’est Renaud qui a bâti le château (p. 148). Mais Aalard dit : « Je quic bien que jadis i ot castiel fremé » (p. 108, 31), ce qui est exactement conforme à ce que dit le vieil homme en parlant de la bove : « Vielle est de tans d’aage » (p. 361, 14). Le souterrain était un reste des constructions antiques, et il fallut creuser pour le retrouver. Il n’y a aucune contradiction en tout ceci. — Avec M. Rajna (Origini, p. 11), on considère comme une trace d’antiquité, le fait que Renaud, à son entrée en scène, n’est pas encore d’âge à être chevalier (p. 84). Mais dans Vivien de Monbranc, Renaud et Aalard, quand Maugis les emmène pour porter secours à Vivien, « Deux gros bastons ont pris et en leur col plungié Pour chent que il ne furent de noient chevalier. » (v. 430). Renaudin fait merveille avec sa perche quand elle est brisée, que les païens l’entourent et qu’il est sauvé uniquement par la vaillance de Bayard, Dieu lui remet en souvenir que Froberge (que Maugis lui a donnée à la fin du Maugis d’Aigremont) est pendue à l’arçon de sa selle (v. 746). — En France et à l’étranger, on lisait et Maugis d’Aigremont et Vivien de Monbranc et d’autres versions que celle du ms. L. Les remanieurs y puisaient au hasard, et ajoutaient des emprunts faits aux divers cycles de l’épopée, sans parler de leurs inventions propres.