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TRAITÉ DES HÉRÉTIQUES

et exécrable. Car il advient souventes fois que ceux-là qui viennent à l’Évangile, et connaissance de Christ, sentent et jugent très bien des affaires de la religion, cependant qu’ils sont povres et affligés : pource que affliction et pauvreté est grandement capable de la vérité de Christ, lequel aussi a été povre et affligé : mais que ceux-ci même étant élevés par après en richesse, et prospérité, et constitués en autorité, s’abâtardissent, et aliènent tellement, qu’eux, qui paravant défendaient Christ, et la vérité, défendent maintenant et approuvent les meurtres, et colloquent la vraie piété en force, et violence. Parquoi on ne saurait croire à personne du monde plus sûrement, qu’aux calamiteux et affligés, et qu’à peine ont-ils où ils puissent encliner, et reposer leur chef. À raison de quoi j’ai recueilli les sentences de tels auteurs, non pas toutefois de tous, mais de beaucoup, et ai été induit (pour plusieurs causes) ô Prince Christofle, de te les envoyer. Premièrement, pource que j’entends, que tu as toujours porté faveur à l’Évangile, et qu’en celui-ci tu as persévéré au milieu des calamités, et afflictions. (Par lesquelles sont éprouvés, et manifestés les cœurs des hommes,) Dont ta confession de foi (laquelle tu as seul de tous les Princes de la Germanie, envoyée à la dernière diète au concile de Trente) en rend suffisant témoignage. En quoi certe tu as clairement montré, que tu n’es pas tel, qui fuis la lumière : mais veux que ta foi et religion soit connue à tout le monde. Et après pource qu’étant puissant Prince, et de grande autorité, cela t’est utile, et expédient.