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TRAITÉ DES HÉRÉTIQUES

soit incontinent mis à mort, il n’a point de voie plus commode, que de l’accuser d’hérésie. Car tout incontinent que les hommes auront entendu cela, ils l’auront en si grande horreur, pour ce seul nom d’hérétique, qu’en bouchant leurs oreilles, afin qu’ils n’oyent sa défense, ils persécuteront furieusement, et à bride avallée, non seulement celui-là, mais tous ceux, qui oseront seulement ouvrir la bouche pour l’excuser. Par laquelle rage il advient, que plusieurs sont mis à mort, avant que leur cause soit vraiment connue. Et ne dis point ceci pour favoriser aux hérétiques (car je hais les hérétiques). Mais je vois ici deux grands dangers. Le premier, c’est qu’aucun ne soit réputé pour hérétique, qui n’est pas hérétique, comme il est advenu jusques à présent : et comme même nous voyons que Christ, et les siens ont été occis pour hérétiques. Ce n’est pas sans cause, si nous craignons que maintenant en notre temps, lequel n’est de rien plus saint que celui-là, mais beaucoup pire, la même chose n’advienne : vu même que Christ a dit : « Je ne suis pas venu mettre la paix, mais le glaive. Car je suis venu mettre discorde entre le père et le fils, entre la mère et la fille, » etc. Tu vois combien il est facile aux calomniateurs, de dire d’un Chrétien : cet homme est séditieux, il met discorde entre le père et le fils, et dissipe la concorde publique. Et pourtant faut user de grande prudence, afin que ceux qui sont vraiment séditieux, soient discernés des vrais Chrétiens : vu que les uns et les autres font les mêmes choses, et si tu considères les faits extérieurs, il sont chargés d’un