Page:Castellion - Traité des hérétiques.pdf/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
TRAITÉ DES HÉRÉTIQUES

soucie de rien moins. La vraie crainte de Dieu, et la charité, est mise au bas, et du tout refroidie : notre vie se passe en noise, en contentions, et toute sorte de péchés. On dispute, non pas de la voie, par laquelle on puisse aller à Christ, qui est de corriger notre vie : mais de l’état et office de Christ, à savoir, où il est maintenant, que c’est qu’il fait, comment il est assis à la dextre du Père, comment il est un avec le Père. Item de la Trinité, de la prédestination, du franc arbitre, de Dieu, des Anges, de l’État des âmes après cette vie, et autres semblables choses, lesquelles ne sont grandement nécessaires d’être connues, pour acquérir salut par foi (car sans la connaissance de celles-ci, les publicains et les paillardes ont été sauvés) et ne peuvent aussi être connues, si premièrement nous n’avons le cœur net, en tant que voir ces choses, c’est voir Dieu, lequel ne peut être vu, sinon d’un cœur pur et net, suivant ce qui est écrit : « Bienheureux sont ceux qui ont le cœur net, car ils verront Dieu. » Lesquelles choses aussi, encore qu’elles fussent entendues, ne rendent point l’homme meilleur. Comme ainsi soit que saint Paul a dit : « Si j’entendais tous mystères et secrets, et je n’aie charité, je ne suis rien. » Cette sollicitude des hommes (laquelle va tout à rebours) comme elle est d’elle-même vicieuse, vient à engendrer d’autres plus grands maux. Car les hommes étant enflés de cette science, ou plutôt de cette fausse opinion de science, déprisent hautainement les autres, au prix d’eux, et s’en suit tantôt après cet orgueil, cruauté et persécution, en sorte que nul ne veut