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PRÉFACE.

LE nom de Monsieur de Caseneuve n’est pas inconnu dans la République des Lettrcs. Tous les beaux ouvrages qu’il a donnés au public de son vivant, & ceux qu’on a pris soin de publier aprês sa mort, font assés connoîtrc quel étoit son mérite dans les Scicnccs. Il étoit d’une fort honnête famille de Toulouse ; comme je l’apprens de l’Histoire abbrégée de sa Vie, écrite en Latin par M. Médon Conseiller au Présidial de Toulouse. Il étoit né le dernier jour d’Octobre de l’année 1591 Aprês l’étude de la Theologie, il acquit une connoissance si parfaite de la Jurisprudence, qu’un grand Jurisconsulte de son tems se fit une habitude de le nommer par honneur Legum Fodina. Le progrês mcrveilleux qu’il avoir fait dans les Langues Grecque & Romaine pendant le cours de ses études préliminaires, luy fit naître l’envie d’apprendre les Langues vulgaires ; comme l’Alleman, l’Espagnol, l’Italien, & l’ancien Provençal. Et cette étude luy fut d’un grand secours pour l’intclligence des Auteurs Latins des derniers tems, qu’il examina avec beaucoup de soin & d’application. Comme il aimoit naturellement une vie paisible & retirée, il la chercha dans l’Etat Ecclésiastique : & méprisant tous les avantages que son mérite & la fortune luy offroient, il se contenta d’une simple prebende dans I’Eglise de Saint Etienne de Toulouse. Son. mérite luy acquit la bienveillance des illustres de sa Province. Messieurs de Montchal & de Marca, successivement Archevêques de Toulouse, l’honorérent de leur estime & de leur considération. Mais le premier luy donna des marques trés-particulieres de l’inclination naturelle qu’il avoit pour les gens de Lettres, & une part singuliere dans son amitié. C’est aux pressantes instances de ce Prélat que nous sommes redevables du beau Traité du Franc-Alleu de Languedoc, que notre Auteur donna au public. L’approbation universelle qu’eut cet ouvrage, & entr’autres l’avantage qu’il eut d’êtrc admiré de l’Assemblée des Etats de Languedoc, engagérent M. de Caseneuvc à écrire I’Histoire de sa Province, à la sollicitation encore du même M. de Montchal, qui fut prié par cette illustre Compagnie de luy en faire la proposition, & de luy assûrer pour cet effet une pension considérable. M. Médan remarque que M. de Caseneuve rejetta les offres de la pension, & qu’il dît à M. de Montchal qu’il ne vouloit point d ’autre motif pour l’engager à ce travaïl, que l’avantage qu’il avoit d’être né Toulousain, & que le plaisir de rendre service à sa patrie luy tiendroit lieu de récompense. Cet ouvrage, qu’il imüula La Catalogne Françoise, fut d’autant plus agreablement reçu dans ce tems-là, qu’il contribua beaucoup à confirmer les droits & les prétentions de la Couronne de France sur la Catalogne, qui venoit de se rendre à l’obeïssance du feu Roy, pére de notrc Auguste Monarque.

Il a aussi donné des preuves de sa pieté & de son zêlc pour la gloire de l’Eglise dans les différcns ouvrages de picté qu’il a composés, & dont je donneray le Catalogue à la fin de ce discours. J’aurois entrepris avec plaisir un plus ample détaïl des particularités de sa vie & de ses occupations, si je n’a vois fait reflexion que n’ayant rien à ajoûter à ce que nous en a dit le Savant M. Médon, son Compatriote & son ami particulier, je ne serois que l’office de traducteur d ’un discours qui est encore emre les mains de la plûpart des Savans.

Je supplie donc les Lecteurs de ne me savoir pas mauvais gré si je laisse à part toutes les autres circonstanccs, pour ne m’attacher icy qu’à ce qui regarde ce traité des Origines de notre Langue. Il y a assés bon nombre d’années que cet ouvrage est composé, comme on le verra par une Lettre de l’Auteur dont je donneray copie cy-aprés. L’état irregulier auquel j’ay son Manuscrit, ne permet pas de douter qu’il n’ait eu dessein de le revoir tout entier, puis qu’il en a luy-même mis au net tout le commencement jusques & compris le mot BAILLIF ; & depuis le commencemcnt de la lettre F, jusques & compris le mot JATE.

Je ne saurois être de l’avis de ceux qui publient à la sourdine que Mr Ménage, craignant que cet ouvrage ne fît tort au sien, fit agir quelques amis incognito pour faire quiter à nostrc Auteur le dessein de le publier. Mr Ménage & Mr de Cafeneuve étoient rivaux sans se connaître, ou du moins ne se connossoient-ils que sur la réputation de leurs autres ouvrages. Le concours ne de deux excellens hommes sur une matiére que personnc avant eux n’avoit encore portée si loin, pouvoit faire qu’un effet agreable. La curiosité des Savans excitée par la nouveauté du sujet, les auroit sans doute engagés à prendre ces deux ouvrages pour juger de leur mérite.

L’état où j’ay trouvé les Mémoires de notre Auteur me fait croire qu’aïant commencé à les revoir, une pure civilité luy fit tomber la plume de la main, comme on le verra par la suite de ce Discours.

M. Ménage rendit compte de sa conduite dans le discours préliminaire de son livre, en ces termes : Au reste, depuis que ce Recœuil est imprimé, j’ai su que M. de Caseneuve avoit travaillé plusieurs année sur le même sujet, & qu’il fésoit imprimer à Toulouse le livre qu’il en a composé. Ce que j’ay vu de ses autres ouvrages, & sa grande réputation ; car je ne le connois que par la ; ne me permettent pas de douter du mérite de son travail : & j’en suis tellement persuadé


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