Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/92

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une chandelle : j’ai laiſſé faire avec un air d’indifférence ; mais j’ai vu que le ſoupçon animoit cette démarche. J’ai penſé au moyen de fortifier mon projet, et le jour ſuivant j’ai enſanglanté mon mouchoir m’ayant piqué un doigt, et j’ai attendu Laurent dans mon lit. Je lui ai dit que la toux m’avoit pris, et qu’ayant craché le ſang il me falloit le médecin. Le docteur le lendemain, perſuadé, ou non, m’ordonna une ſaignée, et écrivit un récipe. Je lui ai dit que la cauſe de mon malheur étoit la cruauté de Laurent, qui voulut faire balayer malgré ma remontrance : il lui fit des reproches, et le butor jura qu’il crut de me rendre un ſervice, et jura encore que quand je reſterois là dix ans il ne feroit plus balayer. J’ai répondu froidement qu’on balaiera lorsque la ſaiſon des puces reviendra. Le médecin conta alors qu’un jeune homme étoit mort il y avoit quelques jours de maladie du poumon pour nulle autre cauſe que pour avoir voulu faire le métier de friſeur, et il dit qu’il étoit perſuadé que la poudre, et la pouſſière aſpirée ne s’expiroient jamais. Je riois en moi-même de ce que le docteur paroiſſoit de concert avec moi. Les archers préſens à ce doctrinal furent enchantés de