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il l’a peut-être menacé de la torture ; et en qualité de menace elle peut être encore bonne.

Le premier de l’année 1756 j’ai reçu des étrennes. Laurent me porta une robe de chambre doublée de beaux renards, une couverture de ſoye rembourrée de coton, et un ſac de peau d’ours pour tenir mes pieds chauds dans le cruel froid que je ſentois auſſi exceſſif que la chaleur que j’avois endurée dans le mois d’Août. En me donnant tout cela il me dit par ordre du ſecrétaire que je pouvois diſpoſer de ſix cequins par mois pour me faire acheter tous les livres que je voulois, et les gazettes auſſi ; et que ce préſent m’étoit fait par M. de Br…

J’ai demandé à Laurent ſon crayon, et un morceau de papier, et j’ai écrit je ſuis reconnoiſſant à la pitié du tribunal, et à la vertu de M. de Br… Il faut avoir été dans ma ſituation pour comprendre les ſentimens que cette aventure réveilla dans mon ame : dans le fort de ma ſenſibilité j’ai pardonné à mes oppreſſeurs, et j’ai quaſi abandonné le projet de m’enfuir, tant l’homme eſt bon, tant le malheur l’accable, et l’avilit ; mais le ſentiment excité par un moyen pareil devient