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mérite des égards ; cette île eſt la patrie de Venus ſelon la mythologie ; et il eſt ſingulier que les venitiens l’aient choiſie pour la terre d’exil de toute la famille de la déeſſe, et que ce ſoit pour la déshonorer, tandis que les anciens ſes dévots y alloient pour lui rendre hommage, et pour ſe livrer à tous les plaiſirs. J’ai doublé le cap de cette île l’année 43 allant à Conſtantinople, et je ſuis deſcendu pour y voir la miſère qui n’empêche pas cependant que l’air ne ſoit embaumé par les délicieux parfums des fleurs, et des herbes, que le climat ne ſoit des plus doux, que le muſcat ne ſoit plus eſtimé que celui de Chypre, que les femmes ne ſoient toutes belles, et que tous les habitans n’y brûlent d’amour jusqu’au dernier moment de leur vie. La république y envoie tous les deux ans un noble pour la gouverner avec le titre de provediteur qui ayant beſoin de ſe pourvoir lui-même ne manque pas de réaliſer ſon titre. Je n’ai jamais pu ſavoir ſi ce garçon y eſt mort : il m’a tenu bonne compagnie ; et je m’en ſuis apperçu lorsque reſté ſeul je ſuis retombé dans la triſteſſe.

Le privilége de me promener une demi heure dans le galetas m’eſt reſté : j’ai examiné