Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trois meſſes par ſemaine. Il s’en chargea volontiers, fit compliment au garçon de ce qu’il étoit avec moi, lui ordonna de me reſpecter, et nous dit que nous pouvions nous promener dans le galetas pour la demi heure qu’il lui falloit pour faire ſervir les autres priſonniers. J’ai accepté cette grace, et j’ai trouvé cette promenade excellente pour ma ſanté, et eſſentielle pour mon projet de fuite qui parvint à ſa maturité en onze mois. J’ai vu pluſieurs vieux meubles jettés ſur le plancher à droite, et à gauche de deux caiſſes, et devant un grand tas de cahiers : j’en ai pris cinq à ſix pour m’amuſer à les lire. C’étoient des procès tous criminels que j’ai trouvés très-amuſans ; lecture pour moi d’une nouvelle eſpèce ; interrogations ſuggeſtives, réponſes ſingulières ſur des ſéductions de vierges, des galanteries défendues vis à vis des gouverneurs, des confeſſeurs, des maîtres d’école, et des pupilles : il y en avoit de deux ou trois ſiècles d’ancienneté, dont le ſtyle, et les mœurs me firent paſſer aſſez agréablement des journées entières. Dans les meubles qui étoient par terre j’ai vu une baſſinoire, une chaudière, une pêle à feu, des pincettes, deux vieux chandeliers, des