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ſur elle, et en même tems de défier ſes revers ; mais c’eſt un calcul politique des plus difficiles.

À la moitié de Novembre le gardien me dit que Meſſer grande avoit entre ſes mains un détenu, et que le ſecrétaire nouveau circoſpetto Pierre Buſinello lui avoit ordonné de le mettre dans le plus mauvais de tous les cachots, et que par conſéquent c’étoit avec moi qu’il alloit le mettre : il m’aſſura qu’il lui avoit repréſenté que j’avois regardé comme une grace celle d’avoir été mis tout ſeul, et qu’il lui avoit répondu que je devois être devenu plus ſage en quatre mois que j’étois là. Cette nouvelle ne me fit pas de peine, et je n’ai pas trouvé désagréable celle qui m’annonçoit le changement du ſecrétaire. Ce M. de Buſinello étoit un brave homme que j’avois connu à Londres Réſident de la République ; mais je me ſuis montré indifférent à l’une auſſi bien qu’à l’autre de ces nouveautés.

Une heure après la cloche de Terza, j’ai entendu le ſifflement des verroux, et j’ai vu Laurent ſuivi de deux archers qui tenoient avec des menottes un jeune homme qui pleuroit. On l’enferma chez moi, et on s’en