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eſt qu’il ne me donna cette permiſſion que le premier de Septembre, lorsque, m’ayant rendu compte de l’argent qui lui étoit reſté de la dépenſe du mois d’Août, il ſe trouva mon débiteur de vingt cinq à trente livres : je lui ai dit qu’il n’avoit qu’à employer cet argent à faire célébrer des meſſes ſelon mon intention. Il me remercia d’un ſtyle comme ſi c’eût été lui-même le prêtre qui devoit les dire. En me voyant par cet acte de dévotion gratifié de la permiſſion de cette courte promenade où je me voyois de bout, j’ai ſuivi à faire la même choſe tous les mois ; mais je n’ai jamais vu la moindre quittance de prêtre qui auroit pu avoir reçu mes aumônes. Tout ce que mon gardien a pu faire de moins injuſte fut de s’approprier mon argent, et de prier Dieu pour moi lui-même.

J’ai pourſuivi dans cet état à me flatter tous les jours d’être renvoyé chez moi : je ne me couchois jamais ſans une eſpèce de certitude qu’on viendroit le lendemain me dire que j’étois libre : mais lorsque toujours fruſtré dans mon eſpoir, je réfléchiſſois qu’on auroit pu m’avoir fixé un terme, je décidois que ce ne pouvoit pas être au-delà du dernier