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Dans l’année 1767 en allant de Pampelune à Madrid mon voiturier s’arrêta pour dîner dans une ville de la vieille Caſtille, dont conſidérant la triſteſſe, et la laideur il me vint envie de ſavoir le nom. Oh que j’ai ri quand on m’a dit que c’étoit Agreda ! c’étoit là où la tête de cette ſainte folle étoit accouchée du chef-d’œuvre que ſi je n’euſſe jamais eu à faire avec M. de Cavalli je n’aurois jamais lu. Un vieux prêtre me montra le lieu où ſœur Marie avoit écrit, dont le père, la mère, et la ſœur avoient tous été ſaints : il me dit, et c’étoit vrai, que l’Eſpagne ſollicitoit à Rome ſa canoniſation avec celle du bienheureux Pallafox. Ce fut peut-être cette cité myſtique qui donna le talent au père Malagrida d’écrire la vie de ſainte Anne, que le ſaint eſprit lui dicta auſſi : mais le pauvre jéſuite dut en ſouffrir le martire : raiſon plus forte pour lui procurer la canoniſation lorsque la compagnie reſſuſcitera, et retournera dans ſon ancienne ſplendeur.

Au bout de neuf à dix jours, je n’ai eu plus d’argent. Le gardien me demanda où il devoit aller en prendre, et je lui ai répondu laconiquement nulle part : ce qui dé-