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d’abord, et venez avec moi. Je lui ai demandé de qui il tenoit cette commiſſion, et il me répondit qu’il obéiſſoit aux ordres du tribunal. J’ai laiſſé alors qu’il prenne tous mes papiers qu’il fit mettre dans un ſac par deux de ſes gens, et ſans plus ouvrir la bouche je me ſuis habillé. Ce qui eſt rare eſt que je me ſuis raſé, fait peigner, mis une chemiſe à dentelle, et mon galant habit, non pas comme un homme qui ſait d’aller en priſon, mais comme on va aux nôces, ou au bal : j’ai fait tout cela machinalement ; car le lendemain en y penſant je ne me ſuis pas trouvé en état de rendre compte à moi-même comment cela étoit arrivé. Meſſer grande ſans jamais me perdre de vue me laiſſa faire toute ma toilette : quand il me vit prêt, il me dit que je devois avoir des manuſcrits reliés en livres, et que je devois les lui conſigner. Ce fut pour lors que j’ai cru de pouvoir pénétrer quelque choſe. Je lui ai indiqué un tas de livres tous imprimés, au-deſſus desquels il y en avoit quatre des manuſcrits : il les prit, et avec eux tous les imprimés qu’il a vus ſur ma table de nuit : c’étoit l’Arioſte, Petrarque, Horace, un tome des opuscules de Plutarque, et quelques brochures françoiſes. Les manu-