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là eſt quelque choſe de très-important : amare et ſapere vix Deo conceditur eſt une ſentence, dont je n’ai reconnu la vérité que dernièrement à Vienne. Lorsque j’ai pris congé de M. de Br…, il me dit en riant que nous ne nous reverrions peut-être plus : ces paroles m’étonnèrent : mais ce fut lui-même qui craignant de m’avoir trop dit me fit ſortir de mon étonnement en me diſant en vrai ſtoicien comme il étoit va-t-en, va-t-en, mon fils ſequere Deum, fata viam inveniunt. Le fait eſt que ce fut la dernière fois que je l’ai vu quoiqu’il ait ſurvécu dix ans à ma fuite. J’ai embraſſé mes deux autres amis qui étoient là comme extupefaits ; et obligé à me lever le lendemain de bonne heure, je ſuis rentré chez moi à une heure de nuit, et je me ſuis d’abord couché.

À la pointe du jour 26 Juillet 1755 Meſſer grande entra dans ma chambre. Me réveiller, le voir, et entendre ſon interrogation fut l’affaire d’un moment. Il prononça mon nom en me demandant s’il ſe trompoit ; car c’étoit la première fois qu’il me voyoit : je lui ai répondu qu’il ne ſe trompoit pas. Donnez-moi, dit-il, tout ce que vous avez d’écrit ſoit de vous, ſoit d’autres ; habillez-vous