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pelle la Scala. Un garde qui étoit là ne m’a pas ſeulement demandé mon nom. J’ai pris une charrette à deux chevaux, et je ſuis arrivé le ſoir à Borgo de Valſugane, où à l’auberge indiquée, j’ai trouvé le moine. S’il ne m’eût pas approché, je ne l’aurois pas reconnu. Une redingote verte, et un chapeau rabattu au-deſſus d’un bonnet de coton le déguiſoient tout-à-fait. Il me dit qu’un fermier lui avoit donné tout cela pour mon manteau, et un cequin avec, et qu’il étoit arrivé à Borgo le matin, où il avoit fait bonne chère : il termina ſa narration me diſant fort-noblement qu’il ne m’attendoit pas, car il n’avoit pas cru que j’euſſe eu l’intention de lui tenir parole. J’ai paſſé dans cette auberge toute la journée ſuivante écrivant ſans ſortir du lit. Le père Balbi écrivit des lettres impertinentes au père ſupérieur de ſon couvent, et à ſes frères, et des tendres aux ſervantes qu’il avoit rendues fécondes. J’ai écrit plus de vingt lettres, dont dix à douze circulaires, où je rendois compte des ſix cequins que j’avois eus, et du moyen que j’avois employé pour les obtenir.

Le lendemain, j’ai dormi à Pergine, où un jeune comte d’Alberg vint me voir, ayant ſu, je n’ai jamais ſu comment, que nous