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qu’un pouvoit s’y être endormi. Cet homme qui s’appelloit Andreoli, et qui exiſte encore aujourd’hui, ſe crut en devoir de courir d’abord pour voir qui étoient ceux, qui par ſon inadvertance devoient avoir paſſé une fort-mauvaiſe nuit.

J’étois donc dans les plus ſombres méditations, lorsque j’ai entendu un bruit de clés, et de quelqu’un qui montoit l’eſcalier. Tout ému je me lève, je regarde par une fente de la grande porte, et je vois un homme ſeul en perruque noire, et ſans chapeau, qui montoit à ſon aiſe tenant entre ſes mains un clavier. J’ai dit au moine du ton le plus ſérieux de ne pas ouvrir la bouche, de ſe tenir derrière moi, et de ſuivre mes pas. J’ai empoigné mon eſponton le tenant caché ſous mon habit, et je me ſuis poſté à l’endroit de la porte, où j’aurois pu, d’abord ouverte, prendre l’escalier. J’envoyois des vœux à Dieu pour obtenir que cet homme ne fît aucune réſiſtence, car je me voyois en devoir dans le cas contraire de le tuer. Et il eſt certain que j’y étois déterminé.

La porte d’abord ouverte, j’ai vu cet homme comme pétrifié à mon aſpect. Sans m’arrêter, et ſans lui dire le moindre mot,