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nant nos cordes. J’ai vu des recoins, que j’ai jugés appartenans à l’égliſe, où nous nous ſerions trouvés enfermés. J’ai vu ſur un bureau un fer long à pointe arrondie avec un manche de bois, outil dont les ſecrétaires ſe ſervent pour percer les parchemins, auxquels ils attachent avec une ficelle les ſceaux de plomb de la chancellerie. J’ai mis cet inſtrument dans ma poche, et ouvrant le bureau, j’ai trouvé la copie d’une lettre, qui parloit de trois mille cequins que le ſéréniſſime prince envoyoit au provéditeur général de mer pour faire des améliorations néceſſaires à la vieille fortereſſe de Corfou : ſi j’euſſe trouvé cette ſomme, je l’aurois priſe ſans croire de commettre un vol : j’étois dans une ſituation, où je devois reconnoître tout de la providence de Dieu. La néceſſité eſt une grande maîtreſſe qui inſtruit l’homme de tous ſes droits.

Après avoir vite tout examiné, j’ai vu qu’il falloit forcer la porte de la chancellerie ; mais mon verrou, malgré tous mes efforts, ne put jamais faire ſauter le reſſort de la ſerrure. Je me ſuis déterminé à faire un trou dans un des battans de la même porte dans le lieu qui me parut le plus facile, où j’ai