Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/196

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pointe des ciſeaux dans moins d’une heure, et il nous la fit à la perfection.

J’ai dit en latin au moine de reſter là, car je ne voulois pas laiſſer ce coquin tout ſeul ; je ſuis monté ſur mon fauteuil, et pouſſé par les jambes, je ſuis ſorti, et me ſuis trouvé ſur le toit de mon cachot. Je me ſuis approché du mur, où j’ai eu beaucoup de peine à paſſer par le trou, qui malgré mes inſtructions étoit trop haut, et trop étroit ; mais j’y ſuis paſſé. Au-delà du mur je me ſuis trouvé ſur le cachot du comte ; je me ſuis deſcendu, et j’ai cordialement embraſſé ce malheureux vieillard. J’ai vu une taille d’homme qui n’étoit pas fait pour aller au-devant des difficultés, et des dangers auxquels une pareille fuite devoit nous expoſer ſur un grand toit panchant tout couvert de plaques de plomb. Il me demanda d’abord quel étoit mon projet en me diſant qu’il croyoit que j’avois fait trop de pas inconſidéremment. Je lui ai répondu que je me ſuis mis exprès dans la néceſſité d’aller en avant jusqu’à ce que je trouvaſſe la liberté ou la mort. Il me dit alors en me ſerrant la main, que ſi je penſois de percer le toit du palais, et d’aller chercher là une iſſue qu’il