Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heure : j’y fus, et j’ai reçu ordre d’aller chez Meſſer grande, qui me donneroit un homme, auquel j’aurois dû faire connoître la figure du chapelain en allant d’abord à Iſola avec lui, d’où il y avoit apparence qu’il ne ſeroit pas encore parti. Il me dit qu’après cela j’aurois pu me tenir tranquille où je voulois. J’ai exécuté ſes ordres. Meſſer me donna l’homme avec lequel je ſuis parti d’abord, et ſix ducats d’argent pour mes frais ; je ſuis ſûr qu’il en a reçu douze ; mais j’ai fait ſemblant d’en être content. Arrivé à Iſola, j’ai montré à mon homme le chapelain, et je l’ai laiſſé. Vers le ſoir j’ai vu à ſa fenêtre ma comère femme de L… qui me pria de monter pour raſer ſon mari ; car je ſuis de mon premier métier barbier, et perruquier. Après l’avoir raſé il me donna un excellent verre de Refosque, et coupa quelques tranches de ſauciſſon à l’ail que nous avons mangées enſemble. Me trouvant ſeul avec lui mon affection de compère de S. Jean s’eſt emparée de mon ame ; car je ſuis bon : en le prenant par la main, et verſant des larmes, je l’ai prié de quitter l’amitié du chapelain, et ſurtout de ſe garder de ſigner une certaine écriture. Mon compère me jura qu’il n’étoit pas plus ami