Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en extraire qu’un ſeul carreau : il m’exagéroit la difficulté de deſſouder des briques unies par un ciment trop ſolide : il me promettoit de pourſuivre, et me répétoit dans toutes ſes lettres que nous allions rendre notre condition plus mauvaiſe, puisque nous ne réuſſirions pas, et que le tout étant découvert nous nous repentirions. Je l’ai encouragé à travailler toujours en l’aſſurant que j’étois ſûr de mon fait d’abord qu’il ſeroit parvenu à faire une ſuffiſante ouverture dans mon cachot. Hélas ! je n’étois ſûr de rien, mais il falloit en agir ainſi ou abandonner le tout. Comment aurois-je pu lui dire ce que je ne ſavois pas moi-même ? je voulois ſortir de là ; voilà tout ce que je ſavois, et je ne penſois qu’à faire des pas et aller en avant pour ne m’arrêter, que lorsque je trouverois l’inſurmontable. J’avois lu quelque part qu’il ne falloit pas conſulter les grandes entrepriſes, mais les exécuter ſans conteſter à la Fortune l’empire qu’elle a ſur tout ce que les hommes entreprennent. Si j’euſſe dit ces vérités au père Balbi, ſi je lui euſſe communiqué ces hauts myſtères de la ſublime philoſophie, il m’auroit traité de fou.