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porteroit tout râpé. J’ai décidé de mettre le verrou dans le doſſier de la Bible, en y plaçant deſſus le grand plat de macaroni, dont le beurre abondant dans lequel ils devoient nager auroit engagé les yeux de Laurent tellement qu’il n’auroit pas oſé les en détacher pour prendre garde aux extrêmités du doſſier du livre : le plat devoit être ſi plein qu’il devoit craindre d’en verſer ſur le livre.

Le lendemain du jour que j’ai envoyé la péliſſe, j’ai bien ri. Le père Balbi inquiet, et tremblant m’écrivoit que Laurent étoit entré dans leur galetas en tenant la péliſſe déployée, et que, quoiqu’il n’eût fait ſemblant de rien, il dût certainement avoir trouvé, et gardé l’eſponton. Il me diſoit qu’il étoit au déseſpoir de devoir ſe reconnoître pour la cauſe de cet irréparable malheur ; il me reprochoit cependant de n’avoir pas réfléchi un peu avant que d’adopter ſon projet. Je lui avois déjà écrit le même matin qu’il n’y avoit rien dans la péliſſe, et que je ne la lui avois envoyée tout de même que pour lui faire voir qu’il pouvoit ſe fier à moi, et être ſûr pour l’avenir qu’il n’avoit pas affaire à un étourdi. Je lui ai en même tems communiqué mon projet pour le jour de la S.