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lui conter toute l’hiſtoire du plancher percé, et de qui j’avois reçu les inſtrumens, en m’aſſurant qu’il ſeroit discrét autant qu’il étoit curieux. Je ne doutois pas de ſa curioſité, mais ſur ſa discrétion j’avois des doutes : les demandes qu’il me faiſoit le déclaroient déjà pour le plus indiscrét des hommes. J’ai vu qu’il falloit le ménager, et que j’aurois pu facilement réduire un être dans ce goût là à faire tout ce que j’aurois voulu pour me procurer la liberté.

J’ai paſſé toute la journée à lui répondre ; mais un fort ſoupçon me fit différer à lui envoyer ma réponſe. Il m’eſt venu dans l’eſprit que ce commerce épiſtolaire auroit pu être un artifice de Laurent pour parvenir à ſavoir où étoient les inſtrumens avec lesquels j’avois rompu le plancher. Je lui ai donc écrit une très-courte lettre en lui diſant qu’un fort-grand mal à la tête m’empêchoit de lui répondre en détail ; mais qu’en attendant je croyois de devoir ſatisfaire à ſa curioſité en lui diſant qu’un grand couteau avec lequel j’avois fait le trou ſe trouvoit ſous la hauteur d’appui de la fenêtre du corridor, où je l’avois caché d’abord que je m’étois vu ſeul dans le nouveau cachot, et où Laurent n’avoit