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pour me faire rougir : les ſentimens d’honneur, que me communiquèrent ceux qui m’ont appris à vivre, furent toujours mes idôles, quoique non pas toujours à l’abri de la calomnie. Je n’ai point de plus grand mérite.

Trente-deux ans après l’évenement je me détermine à écrire l’hiſtoire d’un fait qui me ſurprit à l’âge de trente nel mezzo del cammin di noſtra vita. La raiſon qui m’oblige à l’écrire eſt celle de me ſoulager de la peine de la réciter toutes les fois que des perſonnes dignes de reſpect, ou de mon amitié exigent, ou me prient que je leur faſſe ce plaiſir. Il m’eſt arrivé cent fois de me trouver après le récit de cette hiſtoire quelqu’altération dans la ſanté, cauſée ou par le fort ſouvenir de la triſte aventure, ou par la fatigue ſoutenue par mes organes en devoir d’en détailler les circonſtances : j’ai cent fois décidé de l’écrire, mais pluſieurs raiſons ne me l’ont jamais permis : elles ſont toutes diſparues aujourd’hui à l’aſpect de celle qui me met la plume à la main.

Je ne me ſens plus la force néceſſaire à narrer ce fait, et je n’ai pas non plus celle de dire aux curieux, qui me preſſent de le leur réciter, que je ne l’ai pas ; car j’aime-