Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/101

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déjà s’en être apperçus, et ſe trouver un peu embarraſſés à réparer leur faute. Je lui ai dit qu’il ſe pourroit qu’on lui fît une penſion, car bien loin d’avoir jamais mérité cette priſon, l’état lui avoit de grandes obligations : il trouva que je raiſonnois juſte, puisqu’il ſe diſoit l’ame du commerce intérieur dans ſon métier de courtier, et il avoit donné ſous main des avis fort-utiles aux cinq ſages préſidens au commerce Cet événement, dit-il, aura fait votre bonheur ; car je vous donne ma parole d’honneur qu’il ne paſſera pas un mois que je vous ferai ſortir d’ici. Je ſais à qui je dois parler pour cela, et de quelle façon. Je lui ai répondu que je comptois ſur lui. Il falloit laiſſer en pleine liberté les vains propos de cet animal imbécille qui poſitivement ſe croyoit quelque choſe. Il a voulu, ſans que je le lui aie demandé, m’informer de ce qu’on diſoit de moi, et il m’a ennuyé : puisqu’il ne m’a rapporté que ce qu’on pouvoit dire dans les entretiens des plus grands ſots de la ville. J’ai jetté les mains ſur un livre pour me désennuyer ; mais il ne me laiſſa pas lire : ſa paſſion étoit celle de parler ; et toujours de lui-même.