à la description que je lui en avois faite, et lui parlant de ses charmes,
il la felicita d’avoir fait ma connoissance. La pauvre Armelline
rougissoit à reprises, et elle manqua de j’ai cru qu’elle alloit s’evanouir, lorsque
la princesse après lui avoir dit que personne dans la maison
n’étoit si jolie qu’elle lui donna des tendres baisers. La pauvre
Armelline se trouva toute decontenancée, et à cause de l’eloge que toutes
les autre filles entendirent, et à cause des baisers, qui étoient
defendus par institut dans toute la maison. Après avoir ainsi caressée
la jeune fille, la belle princesse se mit à gracieuser la superieure :
elle lui dit que je l’avois informée qu’elle avoit de l’esprit,
et qu’elle s’en appercevoit par la propreté avec la quelle elle tenoit
cette grande maison ; et elle lui promit de parler d’elle
au Cardinal en lui rendant toute la justice qu’elle meritoit.
Après avoir vu toutes les chambres, et les refectoires elle fit des
complimens à Emilie que je lui ai presentée. Elle lui dit qu’elle
savoit qu’elle étoit triste, et qu’elle penseroit à lui trouver un mari
qui auroit le secret de la rendre gaye. La superieure appuya
le compliment avec un rire d’aprobation ; mais j’ai vu dix à
douze bigotes surannées qui firent une grimace de componction.
Emilie cependant lui baisa d’abord la main comme pour la somer
de sa parola.
Ce qui faisoit ma satisfaction étoit qu’aucune pensionnaire ne pouvoit contester la primauté à Armelline ; la maitresse même de mon jeune ami Marcuccio ne pouvoit pas la mettre en doute, car elle n’étoit pas grande. Lorsque nous descendimes au parloir, la princesse dit à Armelline qu’elle demanderoit permission au Cardinal de la conduire avec elle pendant le Carnaval trois ou quatre fois aux differens theatres de Rome ; et pour lors j’ai vu toute la comunauté effrayée exceptée la superieure qui dit que Son Eminence étoit le maitre de supprimer toutes les rigueurs dans une maison où les filles n’étoient detenues que pour se bien