Chapitre II
Souper à l’auberge avec Armellina, et Emilie
Toutes les innovations que je viens de motiver ne s’accomplirent que dans
l’espace d’un an : ce qui fut de six mois : ce qui à eté fait d’abord fut l’abolition de la défense
d’entrer au parloir et même au couvent aux ou n’y ayant pas de cloture, la superieure devoit etre maitresse. Marcuccio Menicuccio en avoit été averti dans un
billet que sa sœur lui avoit écrit : il vint tout joyeux me le porter
pour m’engager à y aller avec lui, comme sa sœur le prioit
pour faire plaisir à sa gouvernante. Elle lui disoit de faire demander
à la grille sa jeune amie aussi, qui descendroit ou seule
avec elle, ou avec sa gouvernante particuliere : c’étoit moi,
qui devois la faire appeller. Me pretant de tout mon cœur
à ce concert, et impatient d’entendre les propos, et de voir la figure
de ces filles j’ai fait que Marcuccio Menicuccio quite sa boutique, et
qu’il me conduire a ce couvent qui n’étoit pas loin de S.t Paul.
Nous avons demandé à la t???iere les deux pensionnaires
dans le parloir clair, où a peine entrés nous vimes deux grilles
occupées, une par l’abbé Guasco, que j’avois connu à Paris
chez Giuliette l’année 1751, l’autre par un seigneur russe
appellé comte Ivan Ivanovitz Chuvaloff, et le pere Jacquier
Minime de la Trinité de' Monti, fameux savant astronome.
J’ai vu au dedans des tres jolies filles.
Les nôtres arriverent etant arrivées toutes les quatre à une la même grille, et nous commençames une conversation fort interessante ; mais à voix basse, puisqu’on pouvoit nous entendre. Nous ne fumes à notre aise qu’après le depart des autres visiteurs. L’objet de l’amour de Marcuccio mon jeune ami etoit fort joli, mais sa sœur étoit surprenante. À l’age de quinze à seize ans fort riche en taille, et tres formée, elle m’enchanta. J’ai