ans, et ayant epousé une femme prolifique, et d’esprit il eut cinq
enfans tous laids comme lui. Sa fille tres bien elevée, étoit tres aimable
malgrè sa laideur, car pour l’esprit, et le caractere elle
ressembloit à sa mere. L’ainé qui étoit louche etoit fou à force
d’avoir de l’esprit. Libertin, fanfaron, menteur par vice, hardi
parleur, mechant, indiscret, on le desiroit dans les compagnies
parcequ’il contoit bien, il disoit des bons mots, et il fesoit
rire. S’il avoit étudié il auroit ??? ayant eté grand lettré puisqu’il avoit une memoire
prodigieuse. Ce fut lui qui garantit en vain le contract que j’ai
conchu avec l’imprimeur Valerio Valeri pour publier l’histoire
des troubles de la Pologne. J’ai aussi connu dans des deux
jours un comte Coronini qui avoit un nom dans le journal des
savans pour avoir donné au public des ouvrages en matiere
diplomatique écrits par lui en latin. Personne ne les lisoit :
on aimoit encore mieux lui accorder gratis
la qualité de savant que se donner la peine de les lire.
J’ai connu un jeune gentilhomme Morelli qui avoit écrit l’histoire de Gorice, et qui étoit alors dans le moment d’en publier le premier tome. Il me donna le manuscrit desirant que je le lusse dans mes heures libres à Trieste, et que je corrigeusse ce que je trouvereois à corriger, et je l’ai contenté. Je le lui ai rendu n’y ayant trouvé rien à redire, et moyennant cela je me suis gagné son amitié. Il m’auroit moins aimé si je me fusse donné la peine de lui écrire à part des remarques critiques. J’ai conçu une grande amitié pour le comte François Charles Coronini, qui avoit tous les talens. Il étoit fils unique. Il avoit epousé aux païs bas une femme avec la quelle ne pouvant pas vivre il s’étoit retiré chez lui où il s’amusoit cultivant les petites amourettes, allant à la chasse, et lisant les nouvelles du jour tant litteraires que politiques. Il se moquoit de ceux qui disoient qu’il n’y avoit pas au monde un homme heureux, tandis qu’il l’étoit, et qu’il étoit sûr de l’être puisqu’il le sentoit. Il avoit raison ; mais il est mort d’une aposteme à dans la tete à l’age de trente cinq ans. Les douleurs qui l’ont tué l’auront desabusé. Il n’est d’ailleurs pas vrai ni qu’il y ait au monde un homme qui sente heureux dans toutes les heures, ni un autre qui se sente toujours