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votre cœur des droits que j’ai perdus. Je ne vous interesse plus. Poursuivez à me traiter durement, et à supposer fictions des maux reels, dont vous etes la cause, et que vous augmentez maintenant. Vous vous en repentirez trop tard, et dans votre repentir vous ne vous trouverez pas heureux.

Elle alloit partir ; mais la croyant capable de tout elle me fit peur. Je l’ai rappelée pour lui dire que le seul moyen qu’elle pouvoit avoir pour regagner ma tendresse étoit celui de passer un mois sans convulsions, et sans avoir besoin qu’on aille chercher le beau pere Mancia. Tout cela, me repondit elle ne dépend pas de moi ; mais que voulez vous dire par cette epithete de beau que vous donnez au Jacobin ? Supposeriez vous ?..... — Point du tout, point du tout ; je ne suppose rien, car j’aurois besoin d’être jaloux pour supposer quelque chose ; mais je vous dirai que la preference que vos diables donnent aux exorcismes de ce beau moine sur ceux du vilain capucin est sujette à des commentaires qui ne vous font pas d’honneur. Reglez vous d’ailleurs comme il vous plaira.

Elle partit ; et un quart d’heure après tout le monde rentra. Après souper, la servante me dit sans que je l’interroge que Bettine s’etoit couchée avec des forts frissons après avoir fait transporter son lit dans la cuisine près de celui de sa mere. Cette fievre pouvoit être naturelle ; mais j’en doutois. J’étois sûr qu’elle ne se seroit jamais determinée à se bien porter, car elle m’auroit fourni par là un trop fort argument pour la croire fausse aussi dans la pretendue innocence de ses entretiens avec Candiani. Je regardois aussi comme un artifice celui d’avoir fait transporter son lit dans la cuisine.

Le lendemain, le médecin Olivo lui ayant trouvé une forte fievre, dit au docteur qu’elle lui causeroit des vaniloques, mais qu’ils viendroient de la fievre, et non pas des diables. Bettine effectivement delira toute la journée ; mais le docteur