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mais voila ce qui arriva pour me rendre sûr qu’elle n’etoit ni folle ni possedée.

C’étoit l’avantveille de la purification de Notre Dame. Le docteur étoit accoutumé de nous faire communier à la paroisse ; mais il nous conduisoit à confesse à S.t Augustin, église desservie par les Jacobins de Padoue. Il nous dit à table de nous y disposer pour le surlendemain. La mere dit vous devriez tous aller vous confesser au pere Mancia pour avoir l’absolution d’un si saint homme. Je compte d’y aller aussi. Candiani, et les Feltrins disant d’y aller y consentirent ; je n’ai rien dit.

Ce projet m’a deplu ; mais j’ai dissimulé, bien determiné à empecher son execution. Je croyois au sceau de la confession, et je n’étois pas capable d’en faire une fausse ; mais sachant que j’étois le maitre de choisir mon confesseur, je n’aurois certainement jamais eu la bêtise d’aller dire au pere Mancia ce qui m’etoit arrivé avec une fille qu’il auroit d’abord deviné que ce ne pouvoit être que Bettine. J’étois sûr que Candiani lui diroit tout, et j’en aurois été etois fort faché.

Le lendemain de bonne heure elle vint à mon lit pour me porter un petit collet, et elle me glissa cette lettre. » Haïssez ma vie ; mais respectez mon honneur, et une ombre de paix à la quelle j’aspire. Aucun de vous ne doit aller demain à confesse chez le pere Mancia. Vous etes le seul qui pouvez faire avorter ce dessein, et vous n’avez pas besoin que je vous en suggere le moyen. Je verrai s’il est vrai que vous ayez de l’amitié pour moi. «

Il est incroyable comme cette pauvre fille me fit pitié à la lecture de ce billet. Malgré cela je lui ai répondu ainsi. » Je conçois que malgré toutes les inviolables lois de la confession, le projet de votre mere doit vous inquiéter ; mais