pour intervenir à son assemblée qui s’etonneroit d’y voir admis un
garçon de mon age. Il m’ordonna de ne jamais parler que pour répondre
à des interrogations de fait, et sur tout de ne dire jamais
mon avis sur aucune matiere, car à l’age de quinze ans il ne
m’etoit pas permis d’en avoir un. Fidelement soumis à ses
ordres, je me suis gagné son estime, et en peu de jours je suis devenu
l’enfant de la maison de toutes les dames qui alloient
chez lui. En qualité de jeune abbé sans consequence, elles vouloient
que je les accompagnasse lorsqu’elles alloient voir leurs filles, ou leurs
nièces aux parloirs des couvens où elles etoient en pension : j’allois
chez elles à toutes les heures, on ne m’annonçoit pas ; on me grondoit
quand je laissois passer une semaine sans me laisser voir ; et quand
j’allois dans l’appartement des filles, je les entendois se sauver ; mais
elles s’appeloient folles lorsqu’ d’abord qu’elles voyoient que ce n’étoit que moi.
Je trouvois ??? pris leur confiance charmante.
M. de Malipiero s’amusoit avant diner à m’interroger sur les avantages que me procuroit l’acueil que me fesoient les respectables dames que j’avois connues chez lui, me disant avant que je lui repondisse qu’elles etoient la sagesse même, et que tout le monde me jugeroit un coquin si je disois d’elles quelque chose de contraire à la bonne reputation dont elles jouissoient dans le monde. Il m’insinuoit par là le sage précepte de la discretion. Ce fut chez lui que j’ai connu madame Manzoni femme d’un notaire public dont j’aurai occasion de parler. Cette digne dame m’inspira le plus grand attachement. Elle me donna des leçons, et des conseils tres sages que si j’avois suivis, ma vie n’auroit pas été orageuse, et par consequent je ne l’aurois pas aujourd’hui trouvée digne d’être écrite.
Tant de belles connoissances avec des femmes qu’on appelle comme il faut me donnerent l’envie de plaire par la figure, et par l’elegance de me mettre ; mais mon curé y trouva à redire, d’accord en cela avec ma bonne grand-mere. Un jour me prenant à part