Cap — c’est ainsi que cet audacieux " business-man " mâtiné de Conquistador se laissait volontiers appeler — a voulu que son corps reposât dans ce décor grandiose devenu une sorte de « réserve nationale » à la façon du Yosémite de Californie.
C’est Chateaubriand, je crois, qui recommandait aux grands hommes de « soigner leur tombeau », et l’on sait avec quel orgueil romantique le chantre d’Atala s’acquitta pour lui-même de ce soin, en se choisissant comme champ de repos un îlot ou plutôt un récif de la baie de Saint-Malo.
Cecil Rhodes n’a pas été moins attentif à ce que sa tombe fît impression sur la postérité. Qu’on se figure, au milieu du massif des Matopos dans un cadre de rochers amoncelés se chevauchant et se pourchassant jusqu’aux limites extrêmes de l’horizon, un sommet entièrement dénudé, formé d’une sorte de basalt rugueux, telle une peau d’hippopotame. Sur ce sommet, au milieu de quelques énormes boulets de pierre, arrivés là Dieu sait par quel cataclysme et qui semblent avoir servi de projectiles dans un duel de Titans, on découvre une grande dalle de bronze, avec cette inscription : " Here lies Cecil J. Rhodes ". Ce sommet s’appelle aujourd’hui, un peu prétentieusement, le " World’s View ". À la vérité, le monde qu’on domine de là-haut est plus tourmenté et bousculé encore que notre vieille Europe au sortir de la grande guerre. Les silhouettes de ces montagnes ont quelque chose d’incohérent et de fantastique. Voici des blocs superposés qui semblent défier les lois de l’équilibre. Plus loin, on croirait voir surgir à la pointe d’une cime un de ces sombres châteaux-forts, flanqués de hautes tours effilées, tels que Victor Hugo s’amusait à les dessiner à coups de taches d’encre