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MES VACANCES AU CONGO

l’Auvergne et la Provence, que la Manche et l’Andalousie, que l’Ardenne et le Condroz, ici — pendant des journées entières — le voyageur traverse des contrées à l’aspect uniforme.

De Cape-Town à Johannesburg, le trajet par les trains les plus rapides est de 45 heures. À part le début et la fin de ce trajet, l’œil ne découvre qu’une région monotone et presque désertique. Au « Karoo », qui est une plaine de sable et de pierres, succède le « Veld », qui — en cette saison du moins — n’est qu’une interminable brousse, où semblent égarés, de-ci de-là, quelques troupeaux de moutons ou d’autruches.

À l’est et à l’ouest, ce paysage est limité par des montagnes incultes, — les « kopjes » fameux. Sous ce ciel ardent il a la majesté impressionnante du silence et de la solitude. Et à la tombée du soir, lorsque ces montagnes sont tout à coup couronnées de roses par le soleil qui s’enfuit, il revêt une beauté imprévue et d’une douceur profonde. Ce phénomène n’est pas de longue durée, car les nuits africaines ne connaissent pas de crépuscule. En peu d’instants, le ciel se transforme en une voûte d’acier, où brillent la Croix du Sud et toutes ces constellations de l’hémisphère austral que les explorateurs de jadis, penchés à la proue de leurs caravelles, étaient surpris de voir se lever sur l’horizon de l’océan. Tout est immense ici, et tout y est nouveau. Dans ces plaines sans fin, sans forêts, sans fleuves (car on peut à peine appeler de ce nom la rivière d’Orange qui se traîne paresseusement vers l’Atlantique entre des rives incertaines et dont l’eau bourbeuse se perd dans les sables), l’imagination n’a point la