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et en saluent la finale. Il en va d’ailleurs ainsi non seulement pour le " tug of war ", mais pour les autres divertissements du bord. C’est à qui, de la première et de la troisième classe, fera le plus de politesse à l’autre, — le tout simplement, sans affectation de générosité d’une part ou d’humilité d’autre part. Y a-t-il bal travesti en troisième : ces passagers viennent en cortège exhiber leurs déguisements pour la joie des passagers de première, et ceux-ci leur rendent à l’occasion la pareille. Entre ces deux catégories de voyageurs, pour la plupart sud-africains et d’éducation toute britannique, rien qui rappelle cette morgue méprisante ou cette prétention à la supériorité, non plus que ces regards tantôt railleurs, tantôt envieux, tantôt farouches qui, ailleurs caractérisent trop souvent les prises de contact en masse entre des groupes de « bourgeois » et de « prolétaires », pour employer une terminologie à laquelle nous ne sommes que trop habitués sur notre vieux continent.

Un marin anglais, à qui j’en fais la remarque, me répond avec philosophie : « C’est que, voyez-vous, ce n’est pas, entre les uns et les autres, une question de classes, mais une simple question de tarifs. Les voyageurs de première paient davantage et sont naturellement mieux traités. Mais ceux de troisième savent bien qu’ils ont des chances, et peut-être dès leur prochain voyage de retour, si la fortune répond à leurs efforts, de passer à la première catégorie. Pourquoi ne verraient-ils pas d’un bon œil un groupe plus favorisé dont eux-mêmes ils feront peut-être partie demain ? »

La remarque est juste. Et, certes, il faut compter avec l’espoir de parvenir qui pousse ou ramène dans ces pays neufs ces fa-