Page:Carton de Wiart - Mes vacances au Congo, 1923.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.

31
MES VACANCES AU CONGO

sait en user a bientôt fait de pénétrer dans l’intimité de ces natures qui ne sont fermées qu’à ceux qui ne veulent ou ne peuvent y avoir accès. Chaque Anglais a son sport favori : que ce soit la pêche au saumon, le base-ball, la christian-science, l’antivivisectionnisme, le bridge ou la protection des petits matabélés : le tout est de deviner cette idiosyncrasie qui va du comique au sublime. C’est, d’ailleurs, une vieille maxime britannique qu’on ne connaît bien un homme que lorsqu’on a « matché » avec lui, et ceux qui ont critiqué un peu légèrement la fameuse partie de golf proposée, à San-Remo, par M. Lloyd George à M. Aristide Briand, n’ont pas suffisamment tenu compte de cette vérité.

En ce moment, l’ordre des jeux appelle le « tug of war ». Ce sport consiste tout simplement à partager les joueurs en deux camps de force égale : chaque équipe tire de son côté sur un solide câble marin. Les capitaines de camp excitent les joueurs par des gestes qui ressemblent à des passes magnétiques et par des cris destinés à rythmer l’effort de leurs muscles tendus à l’extrême.

Cette fois, le jeu a ceci de particulier que les passagers de la première classe et ceux de la troisième ou plutôt les élites physiques de ces passagers sont en présence et en compétition. Ajouterai-je qu’il n’y a pas de seconde classe. À bord des navires, ou du moins de celui-ci, c’en est fait de la classe moyenne dont le sort préoccupe ailleurs et si justement les sociologues. Mais cette lutte des classes — pour opposer les extrêmes — n’a rien qui ressemble aux procédés trop familiers à maints disciples de Karl Marx. La courtoisie et la bonne humeur y président