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mes vacances au congo

sur une sorte de poney noir à l’œil vif et à longue crinière. Autant de scènes qui rappellent tour à tour le Greco, Murillo, Goya ou Zuloaga. Rien de plus coloré que le marché, qui se tient au bord de la mer, et où la chair rose des thons débitée en larges tranches voisine le plus fraternellement du monde avec la pulpe couleur d’aurore des pastèques et les excoriations marbrées des fromages, — le tout dans le va-et-vient des ménagères qui jabotent et le vol bourdonnant des mouches indiscrètes. La ville semble, d’ailleurs, animée et prospère, et les cottages, qu’on devine piqués dans la montagne au milieu des orangers, doivent être des lieux exquis de repos et de villégiature.

Lorsque nous rejoignons le « Durham Castle », celui-ci achève sa provision d’eau. Un bateau-bassin est amarré à son flanc et nous voyons, peu à peu, la coque de ce réservoir se dégager des vagues, sous l’effort rythmé des pompes qui le vident de son contenu. Un peu plus loin, de jeunes plongeurs, à peine caleconnés, sollicitent, l’attention des passagers qui ont terminé leurs emplettes auprès des camelots mulâtres aux yeux de velours. Qu’une pièce de monnaie soit jetée dans la mer du haut du bateau, aussitôt deux ou trois de ces hardis nageurs de piquer une tête, et c’est merveille de voir l’habileté et l’audace avec lesquelles ils vont, à une profondeur de quelque dix ou vingt mètres, poursuivre la piécette et se livrer entre eux, pour sa conquête, à des combats sous-marins dont on devine les péripéties aux taches plus claires et comme laiteuses que font leurs torses et leurs membres dans cette eau d’un azur intense.

Mais voici le sifflet du départ. Appareillons pour d’autres îles et d’autres cieux !