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mes vacances au congo

héroïquement, dans sa volonté de vivre et de vaincre. L’air était radieux et comme poudré des rayons de la victoire. Et voici que tout à coup, — telle la paix après l’armistice, — à l’entrée même de l’Escaut, un impitoyable brouillard s’est abattu sur l’estuaire, nous enveloppant et nous bloquant dans sa ouate humide et mélancolique. Le moment et le symbole sont propices pour ramasser en quelques conclusions générales tant d’impressions cueillies au cours de cette passionnante randonnée de trente mille kilomètres.

Je rentre du Congo avec une foi profonde et ardente dans les possibilités en quelque sorte infinies que nous assure notre colonie, réservoir inépuisable de matières premières et marché immense ouvert à nos industries. Aucun des obstacles que rencontre sa mise en valeur : insuffisance des transports, risques sanitaires, organisation de la main d’œuvre n’est au-dessus de nos forces. Là-bas, comme ici, comme partout, la vie ne se livre pas toute seule. Il faut la conquérir et la mériter. Mais nulle part sans doute la générosité de la nature ne répondra mieux à l’effort de l’homme. Cet effort en terrain vierge a donné déjà d’admirables résultats. N’oublions pas que la reconnaissance de l’État indépendant date de 37 ans et que la prise de possession par la Belgique remonte à quatorze années seulement.

En ce court « œvi spadium », quel pays, placé devant une tâche aussi titanesque, eût fait plus et mieux que la petite Belgique ? Dans l’ordre politique, un tel effort a grandi son prestige. Il lui permet, en un temps où les intérêts internationaux ne se débattent plus sur le seul échiquier européen, mais sur la carte du monde, de revendiquer une place que n’eussent point justifiée, à elles seu-