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mes vacances au congo

portés par les passagers, qui n’apportent à bord leur note africaine.

Les ponts des paquebots sont, on le sait, les derniers salons où l’on cause.

Le thermomètre oscille entre « vers à soie » et « serres chaudes ». La mer est de plomb, comme accablée. N’importe. Les grandes toiles tendues servent de parasol. Dans les conversations un peu nonchalantes d’abord, les langues et les sentiments ont bientôt fait de se délier. Les propos des vieux coloniaux révèlent, en général, des appréciations et des opinions pratiques, mûries par l’expérience des réalités plutôt que par le goût des théories.

Ils s’accordent volontiers à dauber l’administration et l’esprit constipé des bureaux. Sur le ton plaisant ou sévère, ils critiquent surtout l’élévation des prix de transport, la complication des formalités requises pour l’obtention d’une concession ou d’un titre de propriété. Chacun a sa petite histoire : Un médecin qui s’est établi comme colon s’est vu refuser le matériel et les remèdes pour traiter les indigènes d’un poste important parce qu’il n’accepte pas de donner ses soins — contre argent comptant — à toute la population de la région circonvoisine. Un botaniste, — et quel botaniste ! le fameux Frère Gillet, — sollicite en vain depuis plusieurs années l’autorisation d’utiliser un alambic pour ses expériences d’essences à parfums. Les bureaux lui opposent qu’un particulier n’a pas le droit de distiller. « La fôôrme » disait Bridoison. Quant à la magistrature, on lui reproche de vivre dans les textes. Dois-je ajouter que les interpellés se défendent, tout comme en un parlement. Grandes controverses entre les partisans de l’assimilation progressive des indigènes et ceux qui tiennent pour la nouvelle thèse à la mode : l’évolution du