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curieuse révélation. Le nationalisme ? Au Congo ? Il faut s’entendre. Assurément, il n’est pas question d’une « âme nationale » dans cet immense territoire, qui n’a jamais constitué une entité politique ou ethnique avant que nous l’ayons délivré de l’anarchie et de la barbarie. Des tribus profondément dissemblables les unes des autres y parlent 113 dialectes groupés en 14 langues différentes ! Dans l’ensemble, l’indigène, loin d’y être hostile au blanc, reconnaît sa supériorité et apprécie les avantages que lui vaut sa présence en Afrique. Mais, à la faveur de l’un ou l’autre incident ou de quelque maladresse, une propagande de désaffection pourrait trouver quelque jour, dans l’ignorance même de ces grands enfants, un « bouillon de culture » propice aux folles thèses d’un Marcus Garvey, le Moïse nègre des États-Unis, qui réclame, comme on sait, « l’Afrique aux Africains ». Contre un tel risque, il n’est pas de meilleur assurance qu’une politique indigène faite de justice et de bonté, doublée par l’élévationprogressive et prudente à une morale et à une civilisation supérieures. Le moment viendra bientôt, je crois, où il sera sage de demander aux noirs instruits une certaine coopération à notre œuvre administrative et judiciaire. Et pourquoi ne verrions-nous pas un jour, lorsque des conseils consultatifs participeront à l’organisation des services à Elisabethville et à Kinshasa, des indigènes bien choisis être appelés à y délibérer avec des blancs, ainsi qu’on en fait l’expérience à Brazzaville ?

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Mais à étudier ces diverses causes de souci ou plutôt de vigilance, dont il ne faut pas d’ailleurs s’exagérer la gravité, une con-