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Le fleuve se gonfle d’innombrables affluents. Il en vient de partout. Voici, dans le nombre, la Sanga, que la diplomatie de M. Caillaux et de M. de Kiderlen-Waechter avait transformée en une inquiétante greffe allemande entée sur notre territoire. Les indigènes ont une jolie façon de désigner les affluents d’un cours d’eau. Ils les appellent des « m’totos » ce qui veut dire : des enfants. La famille du Père Congo grossit à vue d’œil. Il en va ainsi jusqu’aux approches du Pool où aboutit par voie d’eau toute l’activité mercantile de l’Oubanghi, de l’Uellé, de l’Équateur, du Kwango, du Kasaï, en attendant que le B. C. K. draine aussi de ce côté quelque chose des richesses du Katanga : comme le rail du C. F. C. y amène déjà les importations d’Europe. Au fond de ce Pool, énorme entonnoir que les rapides vont tout à coup rétrécir pour en faire jusqu’à Matadi un couloir impropre à la navigation, une cité devait surgir et a surgi : c’est cette Kinshasa dont le prodigieux développement a ahuri les Congolais eux-mêmes. Volontiers, ils évoquent à son propos l’aventure du Klondyke et de ses villes-champignons. De fait, il est peu d’exemples d’une fortune urbaine aussi rapide. — et cette chance, chose rare, n’est pas due à la découverte de gisements précieux ou à quelque phénomène d’ordre politique, mais uniquement au commerce. D’autres disent : « à la spéculation ». Soit. La fièvre du lucre a atteint ici, vers 1919 et 1920, des températures vraiment africaines. En moins d’un jour, une marchandise sur wagon était vendue quatre ou cinq fois et sa valeur avait triplé le soir venu. Ces épisodes, dignes de la rue Quincampois, sont aujourd’hui révolus, non sans avoir fait quelques victimes. Ceux qui avaient cru à l’éternité de ce feu de paille