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ley. Soudain, un choc. Une pirogue a heurté sa voisine. Celle-ci se renverse. Toute l’équipe est à l’eau. Elle a tôt fait de redresser l’esquif et de reprendre le jeu. Mais quoi ? Il manque un pagayeur… Bah ! un de noyé ou de happé par les crocos, dix de retrouvés parmi les jeunes noirs qui attendent d’avoir l’âge de concourir, et qui, à toutes jambes, suivent la course sur les berges.

Ces Wagenias sont des pêcheurs, et toute leur vie est vouée au fleuve. D’autres tribus, — car les environs de Stanleyville sont très peuplés et maintes races y sont représentées, — s’accommodent mieux des nouveautés que le blanc leur a apportées. À parcourir la banlieue, — une excellente route carrossable le permet dès aujourd’hui, — on rencontre des villages indigènes pourvus d’écoles et où les habitants cultivent ou élèvent pour le marché de Stanleyville, toujours très achalandé. Une autre route bien entretenue conduit en une demi-heure d’automobile aux chutes de la Tshopo. La Tshopo est une grosse rivière qui, tout d’un coup, se précipite d’une hauteur de quelque trente mètres. On en fera, quand on voudra, une merveilleuse source d’énergie motrice. Aujourd’hui le spectacle, dans un cadre de nature primitive, est d’une émouvante beauté. Comme les approches de ce petit Niagara sont embroussaillées et rocailleuses, une vocation nouvelle s’est révélée parmi les moricauds de l’endroit : celle de guide. Un négrillon, pas plus haut que cela, s’est emparé de nous en nous déclarant qu’il n’était pas possible de voir les chutes sans son assistance. Il portait comme l’instrument de sa charge et de sa comptabilité enfantine, une sorte d’alpenstok au long duquel des entailles au couteau indiquaient le nombre de visiteurs dont il s’était fait déjà le cicerone empressé.