Il ne faudrait pas en conclure que la matière première ait disparu ! Tandis que j’écris ces lignes, notre stern-wheel remonte le Kasaï, au milieu d’une pluie verticale et lourde qu’annonçaient depuis quelques jours les brusques tornades et les nuits étouffantes qui sont fréquentes ici en cette saison de l’année. À travers ce rideau diluvien, l’œil ne cesse pas de suivre sur les rives l’éternel fouillis des ramures enchevêtrées où le « latex », en quantité prodigieuse, attend vainement que l’indigène vienne le recueillir. Cette récolte, jadis si prospère, est en sommeil ou du moins en somnolence. Concurrence des plantations de Malaisie, accumulation des stocks produits pendant la guerre ou au lendemain de la guerre, fermeture du marché russe, autant de motifs par lesquels on explique cette décadence. Elle ne durera certes pas toujours, et le développement que prennent dans l’entretemps les plantations d’hévéas, judicieusement poursuivies par les soins de l’État, prépare à cette exploitation des chances d’avenir plus scientifiques et plus régulières.
En attendant ces jours, peut-être prochains, notre commerce colonial ne s’est point obstiné à vouloir faire du caoutchouc « quand même ». Avec une heureuse souplesse, il a porté son activité vers d’autres produits. « Il y a dans les choses humaines, dit Shakespeare, une marée qui, prise au flot montant, conduit à la fortune. » Le flot montant, depuis quelques années, c’est le commerce des oléagineux et du copal. Tout au long de ma route, depuis le Manyéma jusqu’au Pool, j’ai constaté l’activité presque fiévreuse avec laquelle les compagnies,