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Dans nombre de classes, soit en ville, soit au village, l’instituteur est un noir, ancien élève de l’une ou de l’autre mission. Les écoles professionnelles se multiplient, et c’est plaisir de voir, comme à Stanleyville par exemple, les élèves menuisiers fabriquer eux-mêmes leurs outils : compas, équerres et rabots.

Le service militaire est devenu aussi l’occasion de former des hommes de métier, et on ne pourrait assez encourager les officiers de notre armée coloniale qui se préoccupent de développer les connaissances de leurs soldats et aussi des enfants de leurs soldats (car nos recrues noires vivent au camp avec leur famille), en fait de constructions, de culture, de ferronnerie.

Troisième constatation : le noir a le sens de l’ordre. Son âme, loin d’être anarchique, s’ouvre naturellement au respect de l’autorité. Il n’est pas de geste qui paraisse plus instinctif chez les petits moricauds que le port d’armes ou le salut militaire. Il est aisé d’en faire de bons boys-scouts. J’ai assisté à quelques palabres et à plusieurs audiences, soit devant les magistrats blancs, soit devant les juridictions indigènes. Chacun s’y explique à son tour, en observant autant de dignité que de méthode dans le débat politique ou judiciaire. Peu ou pas d’interruptions. Si la condamnation intervient, le perdant s’incline sans une protestation.

Assurément, il y a des ombres… L’Européen qui vient au Congo et qui lui-même n’y ménage pas ses peines, accuse le noir d’être paresseux. La vérité, c’est que le noir agit peu, quand il n’en éprouve pas le besoin ou la nécessité. L’expression : « Travailler comme un nègre » n’a pas du tout le même sens en Afrique et en Europe. L’indigène obéit, avec une évidente volupté, à la loi du moin-