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françois Ier et la renaissance

Il se mit aussitôt à lui réciter des vers qu’il prétendait être de sa façon et qu’il était heureux de lui offrir, disait-il, en échange de son livre.

— Mais, dit la vieille demoiselle, ces vers sont de M. Racan !

— Aussi suis-je M. Racan lui-même et bien votre serviteur, dit Ivrande en se levant.

— Monsieur, vous vous moquez de moi, dit la pauvre fille qui n’y comprenait plus rien.

— Moi, mademoiselle, s’écria Ivrande, moi me moquer de la fille du grand Montaigne, de cette héroïne poétique dont Lipse a dit : Videamus quid sit paritura ista virgo ; — et le jeune Heinsius : Ausa virgo concurrere vivis scandit supra viros.

— Bien ! bien ! dit la demoiselle de Gournai, accablée sous cette avalanche d’éloges ; alors celui qui vient de sortir a voulu se moquer de moi. Mais, n’importe, la jeunesse a toujours ri de la vieillesse…

Ivrande la charma si bien pendant trois quarts d’heure, qu’il la laissa persuadée que, cette fois, elle avait eu affaire au véritable auteur des Bergeries.